Textes de Jean Henri Fabre - Souvenirs entomologiques - 1897
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" Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux . " Marcel Proust
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vendredi 3 octobre 2014
La Mante ....
Encore une bête du Midi, d'intérêt au moins égal à celui de la Cigale, mais de célébrité bien moindre, parce qu'elle ne fait point de bruit. Si le Ciel l'eût gratifiée de cymbales, première condition de la popularité, elle éclipserait le renom de la célèbre chanteuse, tant sont étranges et sa forme et ses moeurs. On l'appelle ici lou Prègo-Diéu , la bête qui prie Dieu. Son nom officiel est Mante religieuse (Mantis religiosa Linn.).
Le langage de la science et le naïf vocabulaire du paysan sont ici d'accord et font de la bizarre créature une pythonisse rendant ses oracles, une ascète en extase mystique. La comparaison date de loin. Déjà les Grecs appelaient l'insecte Mantiz , le devin, le prophète. L'homme des champs n'est pas difficile en fait d'analogies ; il supplée richement aux vagues données des apparences. Il a vu sur les herbages brûlés par le soleil un insecte de belle prestance, à demi redressé majestueusement. Il a remarqué ses amples et fines ailes vertes, tramant à la façon de longs voiles de lin ; il a vu ses pattes antérieures, des bras pour ainsi dire, levées vers le ciel en posture d'invocation. Il n'en fallait pas davantage ; l'imagination populaire a fait le reste ; et voilà, depuis les temps antiques, les broussailles peuplées de devineresses en exercice d'oracle, de religieuses en oraison.
O bonnes gens aux naïvetés enfantines, quelle erreur était la vôtre ! Ces airs patenôtriers cachent des moeurs atroces ; ces bras suppliants sont d'horribles machines de brigandage : ils n'égrènent pas des chapelets, ils exterminent qui passe à leur portée. Par une exception qu'on serait loin de soupçonner dans la série herbivore des Orthoptères, la Mante se nourrit exclusivement, de proie vivante. Elle est le tigre, des paisibles populations entomologiques, l'ogre en embuscade qui prélève le tribut de chair fraîche.
Son instrument de mort à part, la Mante n'a rien qui inspire appréhension. Elle ne manque même pas de gracieuseté, avec sa taille svelte, son élégant corsage, sa coloration d'un vert tendre, ses longues ailes de gaze. Pas de mandibules féroces, ouvertes en cisailles ; au contraire, un fin museau pointu qui semble fait pour becqueter. A la faveur d'un cou flexible, bien dégagé du thorax, la tête peut pivoter, se tourner de droite et de gauche, se pencher, se redresser. Seule parmi les insectes, la Mante dirige son regard ; elle inspecte, elle examine ; elle a presque une physionomie.
Revenons a la Mante, qui possède, elle aussi, quelques notions sur cet art d'une mort prompte où excelle la petite araignée, si habile à juguler son abeille. Un robuste Criquet est saisi, parfois une puissante Sauterelle. Il convient de consommer en paix la victuaille, sans les soubresauts d'une proie qui ne veut absolument pas se laisser faire.
La Mante a trouvé. Elle connaît les secrets anatomiques de la nuque. En attaquant d'abord sa capture par l'arrière du cou entrebâillé, elle mâche les ganglions cervicaux, elle étouffe l'énergie musculaire dans sa source principale ; et l'inertie survient, non soudaine et complète, car le grossier Criquet n'a pas l'exquise et fragile vitalité de l'abeille, mais enfin suffisante dès les premières bouchées. Bientôt ruades et gesticulations s'épuisent, tout mouvement cesse, et la venaison, si grosse qu'elle soit, se consomme en pleine quiétude.
L'insecte est adulte courant août, et la reproduction intervient de septembre à octobre. Au terme de l'accouplement la femelle a souvent tendance à passer à table aux dépens de son partenaire. Pour impérieuses qu'elles puissent paraître, ces sanguinaires agapes ne sont pas nécessaires à la pérennisation de l'espèce, et on peut évidemment s'interroger sur leur origine et leur raison d'être.
De couleur verte ou brune, la mante religieuse est de belle taille, très élancée, et son port ne manque pas d' élégance. Mâles et femelles se ressemblent, mais ces dernières sont toujours nettement plus grandes, plus robustes, et "gestation" aidant plus corpulentes. Elles atteignent 75 mm, contre guère plus de 50 pour les mâles, mais le caractère très fluet de ces derniers donne souvent l'impression d'une disparité allant du simple au double.
Juchée sur un prothorax démesurément long, et assimilable à un cou, la tête est petite, triangulaire, et dotée d'yeux très développés et proéminents, complétés par 3 ocelles disposés en triangle entre les antennes. Cette configuration, alliée à l'extrême mobilité de la tête (en terme de rotation elle couvre allègrement les 180 degrés), fait que le champ de vision est quasi périscopique. Cette particularité fait que la bestiole peut rester parfaitement immobile, et donc ne pas trahir sa présence, tout en ayant loisir de guetter l'arrivée d'une proie, d'où qu'elle vienne.
La ponte, (200 à 300 oeufs) est contenue dans une oothèque (sorte de "boîte à oeufs"), ovoïde et très structurée, dont le constituant s'apparente à la soie des cocons de lépidoptères. Emise sous une forme blanche et crémeuse cette "soie" est brassée et agencée par les valves génitales . Au contact de l'air elle durcit très rapidement, adhère fortement au support, et brunit progressivement.
Le choix du support importe guère .
Les oeufs proprement dits sont jaunes, très allongés, et régulièrement disposés au fur et à mesure de l'élaboration de l'oothèque. Ils n'occupent que la partie centrale, et ils sont logés dans des cellules très étroitement accolées qui forment une sorte de noyau si dense et résistant qu'une lame de rasoir peine à l'entamer. Le reste de l'oothèque est essentiellement lamellaire, très aéré, nettement moins rigide, et partant plus fragile.
L'éclosion des jeunes mantes intervient en juin de l'année suivante, et les sorties s'opèrent au niveau d'une zone lamellaire médiane, les lamelles en question faisant suite aux cellules sous-jacentes. A l'émergence la larve est en quelque sorte "emmaillotée", et après s'être promptement libérée de cette très fine membrane (opération considérée comme une première mue), elle ressemblera en tous points à l'adulte . Comme chez tous les insectes la croissance ultérieure se fera par mues successives, et le plein développement des ailes interviendra lors du passage à l'état adulte, à la 7 ème et dernière mue ("démaillotage" initial inclus).
38 commentaires:
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Un insecte fascinant photogénique à souhait. J'ai eu la chance et le bonheur d'en voir une faire son oothèque suer mon balcon… il me tarde d'être au printemps… pour , peut-être assister aux naissances.
RépondreSupprimerPasse une très bonne journée
Merci Andrée pour toutes ces explications , mais aussi tes photos
RépondreSupprimerje n'avais jamais vu de Mante ..voilà c'est fait !!
Bises et bonne journée
Bonjour Andrée
RépondreSupprimerDes visiteurs inattendus (Mais que du Bonheur), arrivés hier, je ne vais pas être très présente sur les blogs jusqu'à lundi.
Je te souhaite une bonne fin de semaine
Bisoux
thidom
Un insecte qui me fascine! Je n'en ai jamais vu qu'une en vrai (en Ardêche) dans la Nature
RépondreSupprimerExcellent billet
Bon vendredi
En effet, la mante, n'est pas un insecte de tout repos pour les autres insectes qui passent à portée de ses mandibules!
RépondreSupprimerMerci pour ces photos qui nous montre cette mante de près j' n'en avais jamais vu.
Bonne journée
Bisous
Il nous ferait aimer l’entomologie...
RépondreSupprimerLes mantes sont de vrais prédateurs... je ne voudrais pas être leur mâle.
Bisous et douce soirée erato.
Merci pour ce très beau partage.
Curieux insecte
RépondreSupprimertu dis bête du Midi . . c'est vrai ,
elles sont rares chez nous, une seule fois j'ai vu une mante religieuse, une verte , mais elle avait choisi le palmier pour s'y poser ! !
bonne fin de journée
merci erato pour ce beau reportage
elle est bien jolie et se confondrai facilement avec les pierres
RépondreSupprimerTrès élégante surtout dans sa robe verte. Moi je n'ai qu'une sauterelle... merci pour toutes ces précisions bien instructives Andrée. Bonne bsoirée.
RépondreSupprimerJe n'en ai jamais vu "en vrai" . Curieuses mœurs mais jolie silhouette!
RépondreSupprimerBonne soirée et bises
Je n'en ai vu que très rarement et toujours des vertes, jamais des brunes. Je ne savais pas, d'ailleurs, qu'il en existait des brunes. Je ferai plus attention, la prochaine fois. C'est vraiment un insecte fascinant de par ses pattes et surtout de par ses yeux.
RépondreSupprimerBises du soir Andrée !
quelle vilaine qui cache d'aussi terribles moeurs sous ses airs pieux ! ton article est passionnant, Andrée et plein d'esprit !
RépondreSupprimerComme c'est étrange chez moi c'est pareil , enfin presque
RépondreSupprimerBien belles tes photos
A bientôt
Je n'ai pas été étonné d'apprendre que le premier texte provenait de Fabre. J'avais lu, il y a longtemps sa "Vie des araignées" que son style a rendu intéressante. Je pense que le second est plus récent par sa distance, sa froideur, son pragmatisme. Comment décrira-t-on cette bestiole dans deux siècles ?
RépondreSupprimertrès beaux cadrages et explication.
RépondreSupprimerBon wk
Bonsoir Andrée , voila de belles photos de cette Mante religieuse , en plus je crois qu'elle tue son partenaire aprés l'acte sexuel ! J'en ai déja vu mais des vertes pas des brunes , je ne les adore pas ! Bon week end avec mon amitié , bisous
RépondreSupprimerde superbes explications sur cet insecte, insignifiant pour moi....je pense que je le regarderait autrement....passe une bien agréable journée
RépondreSupprimerà genoux les religieux souvent tuent dans le monde; se méfier de l'apparence
RépondreSupprimerFreeB
Bonjour Andrée
RépondreSupprimerOn te souhaite un bon week-end
Bisoux
thidom
Je la connais dans sa verte tenue, en fin d'été on la voit plus souvent, bisous Andrée
RépondreSupprimerj'ai apprécié ce billet au plus au point pour les photos le texte si poétique et les moeurs de ce bel insecte...
RépondreSupprimerbonne journée
oui c'est une curieuse bestiole. Je connais la verte. La brune se distingue encore moins
RépondreSupprimeroui c'est une curieuse bestiole. Je connais la verte. La brune se distingue encore moins
RépondreSupprimerEn voilà une qui m'a joué des mauvais tours pendant mes cours de bio de seconde! Du coup, je n'ai pas trop d'atomes crochus avec elle ! Belle journée à toi Andrée. Bises. Joëlle
RépondreSupprimerTes photos sont de toute beauté et nous apprenons beaucoup de choses sur cette gentille bête.
RépondreSupprimerBonne soirée et très bon dimanche à toi. Bisous
très belles photos et présentations. Bonne nuit
RépondreSupprimerBonjour chère Andrée
RépondreSupprimerOn te souhaite un bon dimanche
Bisoux
thidom
Passionnant, merci ! Je ne savais pas qu'elles n'étaient pas herbivores ! Passe un beau dimanche!
RépondreSupprimerJolies photos et explications intéressantes.
RépondreSupprimerJe n'en ai jamais vu de couleur brune
Chez moi elles sont vertes !
RépondreSupprimerMerci pour les explications
Bon dimanche Andrée
Dorénavant nous saurons tout sur la mante...Las! je crois que j'ai déjà oublié ce que j'ai lu au début de l'article..Néanmoins les photos sont belles
RépondreSupprimerJ'en apprend un peu plus avec ton billet sur cette belle verte que je voies de plus plus au cours de mes balades autour de Lyon.
RépondreSupprimerBise.
Philippe.
un billet très intéressant.
RépondreSupprimerBonne soirée
une bien drôle de tête triangulaire pour cet insecte, passe une bien agréable journée
RépondreSupprimerc'est Aria, notre petite chienne qui prend toute la place sur la banquette, heureusement il nous reste nos deux canapés, quant à ptit coeur, il reste tranquille sur sa table à repasser, qui a toujours été son point de chute. merci pour ce beau reportage sur cette petite bête que l'on voit de temps en temps dans les jaridns. bises. celine
RépondreSupprimerBonjour chère Andrée
RépondreSupprimerOuf ! Aujourd'hui, opération MENAGE !!!
On te souhaite un bon début de semaine
Bisoux
thidom
J'aimerai avoir sa taille de guêpe, non de mante !!! Mais quelle tueuse ! Bises
RépondreSupprimerInsecte fascinant entre tous ! Très belles photos :-))
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